Si l’héritage est un sujet sensible, l’exhérédation est encore plus taboue. Déshériter un enfant n’est en effet pas un acte anodin, ni facile car la France l’interdit. Néanmoins, pour une raison ou une autre, si vous ne souhaitez pas qu’un de vos enfants hérite ou que vous voulez favoriser un des membres de la fratrie, il est possible de le faire légalement.
Comment déshériter ses enfants légalement ? Est-ce vraiment possible ?
L’exhérédation : qu'est-ce que c'est ?
L’exhérédation, ou le déshéritement, est l’acte de déshériter une personne. En général, ce sont les enfants.
En France, cette pratique est interdite par l’article 912 du Code civil au nom du principe de la réserve héréditaire. La réserve héréditaire, c’est une fraction du patrimoine du défunt qui doit obligatoirement revenir aux descendants (ou du conjoint marié s’il n’a pas d’enfant).
Cette réserve ne représente jamais la totalité de l’héritage. Il reste une part d’héritage restant dont le défunt peur disposer à sa guise : c’est la quotité disponible. Voici un tableau pour que ce soit plus compréhensible (nous ne parlons ici que des enfants).
Nombre d’enfants | Réserve héréditaire | Quotité disponible |
---|---|---|
1 | ½ | ½ |
2 | 2/3 | 1/3 |
3 et plus | ¾ | 1/4 |
Quelles sont les raisons qui poussent à vouloir déshériter ses enfants ?
Loin d’être rare, l’exhérédation est une pratique souvent demandée aux notaires. On peut trouver horrible de vouloir déshériter un de ses enfants, mais dans les faits, les raisons sont plus complexes que ce qu’on peut imaginer :
- Un des enfants a plus besoin d’argent que les autres. S’il se trouve dans une situation qui fait qu’il gagne moins bien sa vie que le reste de la fratrie, les parents peuvent décider, en concertation avec ses frères et sœurs le plus souvent, de lui donner plus d’héritage pour l’aider.
- Les parents peuvent aussi vouloir remercier un de leur enfant d’avoir pris soin d’eux de cette façon.
- Si l’un des enfants présente un handicap, il n’est pas rare que ses parents veuillent lui donner plus pour faire face aux frais engendrés par ce handicap et l’aider à subvenir à ses besoins.
- Le défunt peut vouloir déshériter ses enfants au profit de ses petits-enfants. S’ils sont mineurs au moment du décès, ils devront attendre leur majorité pour toucher l’argent.
- Les parents préfèrent donner l’argent à une association et montrer à leur enfant l’importance de la solidarité, ainsi que la valeur de l’argent gagné grâce au travail.
- Enfin, et ce n’est pas la raison la plus sympathique, il peut y avoir de gros conflits entre un parent et son enfant.
Comme vous pouvez le constater, il existe une multitude d’explications quant au fait de vouloir déshériter un enfant… on est loin des parents indignes qui ne veulent rien laisser à leurs enfants comme on pourrait le penser de prime abord.
Les informations importantes avant de déshériter ses enfants
Avant de mettre en marche la machine pour déshériter un ou plusieurs de vos enfants, prenez garde.
En effet, cet acte, sauf s’il est consenti en amont par toute la famille, est loin d’être sans conséquence.
Un enfant déshérité peut se sentir floué, voire rejeté par ses propres parents, laissant des blessures à jamais.
Cela va également forcément engendrer de l’animosité. Si vous êtes en conflit avec lui, cela ne va pas arranger les choses. De plus, il peut y avoir des disputes et conflits au sein de la fratrie si vous privilégiez un enfant.
Est-ce que ça vaut vraiment la peine de briser des liens pour une simple question d’argent ?
Enfin, vous pouvez regretter, au moment de votre mort, ce déshéritement. Il se peut qu’entre-temps les choses aient changé (meilleure situation financière, réconciliation). Or, seul un testament écrit peut être pris en compte. Si vous n’avez pas eu le temps de le changer, alors votre enfant restera déshérité.
Réfléchissez donc bien avant de lancer une exhérédation.
A-t-on le droit de déshériter ses enfants en toute légalité ?
En France, nous l’avons vu, déshériter ses enfants est interdit. En revanche, ce n’est pas le cas dans tous les pays étrangers. Par exemple, le Royaume-Uni autorise cette pratique.
Si vous résidez et mourez à l’étranger, ça sera alors la loi du pays en question qui s’applique.
Comment déshériter ses enfants : le point sur la législation
S’il n’est pas possible de déshériter ses enfants, vous pouvez tout de même disposer comme bon vous semble de la quotité disponible (voir le tableau plus haut).
Vos enfants recevront donc leur part grâce à la réserve héréditaire, mais vous pouvez très bien donner la quotité restante à quelqu’un d’autre.
Les solutions pour déshériter ses enfants légalement
Certes, vous ne pouvez pas déshériter un enfant, mais il existe tout de même des moyens légaux de vous arranger que vos dernières volontés soient possibles.
La solution de l'assurance vie
Si vous souhaitez favoriser un ou plusieurs de vos enfants, vous pouvez souscrire à une assurance-vie. Lors du contrat, vous pouvez alors désigner le ou les bénéficiaires des sommes que vous avez investies. Ce contrat n’est pas pris en compte dans la succession ni dans la réserve héréditaire, vous êtes donc certain que l’argent ira ou vous le souhaitez.
Le contrat de mariage
Vous préférez que ce soit votre conjoint qui reçoive la plus grosse partie de votre héritage ? Alors, il faut que vous aménagiez votre contrat de mariage pour adopter le régime de la communauté universelle.
Pensez à l’accompagner de la clause d’attribution intégrale au conjoint survivant.
Résider dans un pays étranger
Enfin, nous l’avons vu, si vous résidez (et mourrez) à l’étranger, alors ce seront les lois du pays qui prennent le dessus.
Exhérédation : est-il possible de déshériter des héritiers indignes ?
Si la France interdit l’exhérédation, elle a en revanche le concept d’ « héritier indigne ».
On entend par « héritier indigne » un héritier qui a été l’auteur de faits graves sur le défunt.
L’exhérédation se fait automatiquement lorsque l’héritier est complice de meurtre ou de tentative de meurtre sur le défunt, ou bien qu’il est condamné pour violence, coups et voies de faits ayant entraîné la mort du défunt sans l’intention de la donner (Article 726 du Code civil.).
L’exhérédation peut aussi être demandée par un autre héritier comme rapporté dans l’article 727 du Code civil. Il doit alors saisir le tribunal judiciaire, après l’ouverture la succession.
Ici, pour être considéré comme héritier indigne, il faut que la personne visée par la plainte soit :
- Condamnée à une peine correctionnelle pour violences volontaires ayant entraîné le décès sans intention de donner la mort.
- Condamnée à une peine correctionnelle pour meurtre sur le défunt.
- Condamnée comme auteur ou complice à une peine criminelle correctionnelle envers le défunt : violences, viol, agression sexuelle, torture…
- Un témoin mensonger contre le défunt dans une procédure criminelle.